Les amis de la bibliothèque

Il y a deux aspects dans ce livre. D’abord son versant romanesque, il décrit de façon très réaliste comment notre monde pourrait s’effondrer, non pas suite à une grande catastrophe, guerre ou autre, mais simplement après une « petite tempête » qui met à bas le système financier capitaliste et qui par effet domino provoque le délitement complet de notre civilisation. La pandémie actuelle et son corollaire, la crise financière, est un peu une illustration de ce qui pourrait advenir sauf qu’actuellement le système nous montre qu’il peut faire preuve d’une certaine résilience. Jusqu’à quand ?
Le récit nous décrit aussi le type de société qui pourrait résulter d’une telle crise où l’on voit que les écolos-bobos sont après tout des gens comme les autres et que ce qu’ils inventent n’est qu’une redite des communautés passées où l’on pratique l’entre-soi, le rejet des autres et même une pincée de racisme. Où l’on voit également que la violence peut devenir institutionnelle, à bas bruit quand elle n’est plus légitimée par l’état. Plus de guerres mais des conflits larvés un peu partout, des bandes et des communautés qui s’affrontent et l’insécurité comme seule horizon.

L’autre aspect du livre c’est son aspect purement littéraire et j’ai trouvé particulièrement intéressant que l’auteure donne sa version de la naissance d’une épopée. Effectivement on peut imaginer que tous nos grands textes fondateurs sont nés comme ça, de l’agrégation de récits et d’anecdotes, de la rencontre de gens qui savaient raconter mais qui racontaient chacun à leur manière, de l’importance de l’oralité pour la mise en mémoire collective. Le fait que ce soit ici deux femmes qui soient les bardes nous donne à penser. Pourquoi dans notre imaginaire les grands récits des origines sont-ils toujours pensés comme le fait d’hommes. Les femmes pourraient être très bien être à l’origine. Ce pourrait être elles les gardiennes de la mémoire, les poétesses des temps d’avant. Les hommes n’auraient fait que mettre par écrit ce qui berçait leur enfance.
Le style des chants m’a moins convaincu que ce qu’il implique. Il faut dire que c’était une gageure que d’écrire une nouvelle épopée en évitant l’écueil du plagiat des textes fondateurs.
Voici donc un livre intéressant mais qui aurait mérité d’être un peu plus abouti. Pour une fois il est peut-être un peu trop court.