Les abeilles grises - KOURKOV Andreï

Couverture Les abeilles grisesLogo Coup de CoeurPrix Médicis Etranger 2022 - Dans un petit village abandonné de la « zone grise », coincé entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses, vivent deux laissés-pour-compte :
Sergueïtch et Pachka. Ennemis d'enfance, désormais seuls habitants de ce no man's land, ils sont obligés de coopérer pour ne pas sombrer. Et cela, malgré des points de vue divergents vis-à-vis du conflit. Sergueïtch sympathise avec un soldat ukrainien qui lui rend des visites furtives ; Pachka fréquente en cachette ses « protecteurs russes » pour se procurer des denrées alimentaires.
Leurs conditions de vie sont rudimentaires : charbon pour se chauffer, conserves pour se nourrir, bougies récupérées dans une église détruite pour s'éclairer. Les journées monotones de Sergueïtch sont cependant animées de rêves visionnaires et de souvenirs. Ce qui lui importe avant tout, ce sont ses abeilles. Apiculteur dévoué, il croit en leur pouvoir bénéfique qui autrefois attirait des clients venus de loin pour dormir sur ses ruches lors de séances de « thérapie curative ». Alors que l'hiver les abeilles demeurent dans sa grange, à l'abri du froid et des bombardements, il décide, le printemps venu, de leur chercher un endroit plus calme. Ses six ruches chargées sur la remorque de sa vieille Tchetviorka, le voilà qui part à l'aventure. Mais même au coeur des douces prairies fleuries de l'Ukraine de l'ouest et le silence des montagnes de Crimée, le grand frère russe est là, qui surveille...

Biographie de l'auteur

Andreï Iouriévitch Kourkov, né en 1961, est un écrivain ukrainien de langue russe.
Il a déménagé en Ukraine, à Kiev, dès sa plus tendre enfance et y a terminé ses études à l'institut d'État de pédagogie des langues étrangères en 1983.
Enrôlé en tant que gardien de prison à Odessa durant son service militaire, il en profite pour écrire des contes pour enfants.
C'est en 1991 que son premier roman paraît à Kiev, deux semaines avant la chute du communisme.
En 1993, "Le monde de Bickford" est nominé à Moscou pour le Booker Prize russe et l'année suivante "La chanson préférée d'un cosmopolite" gagne le prix de la compétition Heinrich Böll.
C'est son roman "Le pingouin", paru en France en 2000, qui lui apporte le succès, confirmé par ces romans suivants, dont le dernier, "Laitier de nuit", est paru en 2010 en France.

Depuis 1996, il vit en partie à Londres.

Date première édition: février 2022

Editeur: Liana Levi

Genre: Roman , Roman historique

Mots clés :

Notre avis : 8.75 / 10 (5 notes)

Enregistré le: 16 mars 2022



pomah
Appréciation de lecture
Les abeilles grises
Appréciation : 8.75 / 10
Commentaire #5 du : 08 janvier 2023
tout est dit dans les résumés précédents -

sur fond de vodka pour oublier, entre tristesse et douceur, les personnages de ce roman, montrent leur souffrance trop silencieuse, leur belle solidarité - le lecteur est au coeur de l'actualité , entre poésie et guerre, on constate l'étendue de
l' absurdité de "l'oeil de MOSCOU" comme est nommé le pouvoir.

un sentiment d'impuissance et un certain malaise m'ont accompagné tout au long de la lecture.
CORRE CATHERINE
Appréciation de lecture
Les abeilles grises
Appréciation : 9 / 10
Commentaire #4 du : 28 septembre 2022
C'est un superbe roman, malheureusement d'actualité .
Sergueîtch, apiculteur vit dans une zone grise, entre la république du du Donetsk et l'Ukraine ; Il va quitter son village pour permettre à ses abeilles de vivre et travailler. il se réfugiera en Crimée.
Il va rencontrer de nombreuses difficultés administratives et policières et rencontrer des personnes qui souffrent des mêmes tracasseries arbitraires.
C'est un livre qui dénonce l'arbitraire d'une politique qui broie les gens simples dans leur vie quotidienne.
Un livre à lire absolument
Marinette
Appréciation de lecture
Les abeilles grises
Appréciation : 8 / 10
Commentaire #3 du : 19 août 2022
"Les abeilles grises" été écrit après l'annexion de la Crimée, par Poutine. Le dernier roman d'Andreï Kourkov paraît en France, dans une traduction de Paul Lequesne, trois semaines avant l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes.

L'histoire se déroule dans une zone où les accords de "cessez-le-feu" n'ont pas abouti à pacifier une situation insécure et précaire, entre armée ukrainienne et séparatistes pro-russes. C'est peu de dire que ce roman résonne fortement avec la triste actualité de ces derniers mois.
Le lecteur est plongé dans cette guerre fratricide et complexe :
" quelque chose s'était brisé dans le pays, s'était brisé à Kiev, là où il y avait toujours un truc qui n'allait pas. S'était brisé et de telle manière que de douloureuses fissures s'étaient propagées par tout le pays, comme dans du verre, et que de ces fissures du sang avait coulé. Une guerre avait éclaté, dont la cause, pour Sergueïtch, restait brumeuse. "

La première partie du roman se situe en zone grise du Donbass, dans un petit village déserté de ses habitants. Ne survivent à Mala Starogradivka, que Sergueïtch, un ancien inspecteur de la sécurité des mines, aujourd'hui apiculteur, et Pachka, son ex-ennemi d'enfance, à qui les séparatistes fournissent pain et vodka. Ces deux anti-héros, laissés pour compte, organisent leur survie, hors du temps, tout en vidant, à l'occasion, quelques verres de vodka : " et il n'y aurait plus dans la maison de temps qui vive jusqu'à ce que son propriétaire revienne, jusqu'à ce qu'il le (le réveille-matin manuel) remonte à nouveau… Certes, c'était bête de s'inquiéter ainsi du temps. Le temps ne joue un rôle que là où quelqu'un le surveille et dépend de lui. S'il ne reste personne dans ce cas, le temps se fige, disparaît."

Les cierges de l'église détruite pour tout éclairage, du charbon pour se chauffer en toute parcimonie, Sergueïtch prend les événements avec philosophie. Il se remémore sa vie d'avant, sa vie avec son ex-femme aux tenues fantasques, sa vie quand il a découvert les vertus tant commerciales que salvatrices de "l'apithérapie ".
Il rompt la monotonie de son existence en prenant l'initiative d'inverser les plaques des deux rues du village, la rue Lénine devient la rue Chevtchenko et inversement. Cette opération dérisoire est chargée de symboles : politique contre poésie, poésie contre politique !

La deuxième partie du roman se transforme en road-trip : Sergueïtch décide de protéger ses abeilles, la seule famille qui lui reste, des bruits et des nuisances de la guerre. Il entame un long périple sur les routes d'Ukraine, minées, barrées de check-points, au volant de sa voiture hors d'âge, attelée d'une remorque chargée de ses six ruches. Au cours de son voyage, il va faire des rencontres, Galia, une timide parenthèse amoureuse, il retrouvera la famille tatare d'une vague connaissance, apiculteur, rencontré à un colloque, et deviendront amis. Lui qui n'avait jamais voyagé, prend conscience de l'omniprésence de la peur en lien avec cette situation de guerre, des pressions et sévices subis par la minorité tatare.
" La peur, c'est chose invisible, ténue, multiforme. Comme un virus ou une bactérie. On peut l'inspirer en même temps que l'air, ou bien l'avaler par accident en buvant de l'eau ou de l'alcool, ou encore, en être contaminé par les oreilles, par l'ouïe, et la voir alors de ses yeux si clairement que son reflet vous reste imprimé sur la rétine même alors qu'elle s'est déjà évanouie".

Muni de sa candeur, de son humanité, Sergueïtch affrontera pour lui-même la méfiance des autorités et se sortira de situations cocasses. Poésie onirique, humour jusqu'à l'absurde, douceur mélancolique, ce roman est une fable qui dégage beaucoup d'humanité.

" Moins vite", se dit-il et il scruta de ses yeux fatigués la route déserte bien éclairée par la lumière des pleins phares, que des abricotiers bordaient de part et d'autre, escorté habituelle du conducteur de l'Ukraine méridionale, sous lesquels durant deux ou trois mois s'arrêteraient tous ceux qui en auraient envie, toux ceux qui, rentrant chez eux n'auraient pas de cadeaux pour leurs enfants. Ils s'arrêteraient et ramasseraient dans l'herbe les fruits mûrs couleur d'orange - trois dans un sac ou une boite en carton, le quatrième dans leur bouche ".

Kourkov serait-il un digne héritier de son compatriote Gogol ? Je vous en recommande chaudement la lecture, sans hésitation.
Gislaine
Appréciation de lecture
Les abeilles grises
Appréciation : 8,5 / 10
Commentaire #2 du : 12 mai 2022
Ce roman est une ode à la nature, aux abeilles en particulier, à la paix, à l'amitié.

Sergueitch, la cinquantaine, vit dans une zone qui n'est pas la Russie et qui n'est plus vraiment l'Ukraine.
À la fin de l'hiver, notre apiculteur transporte ses 6 ruches jusqu'en Crimée pour leur permettre de butiner en paix. Nous sommes dans les années 2016. Il traverse ce qu'était son pays.
Ce parcours est semé d'embuches, de tracasseries administratives, de crainte du régime totalitaire, mais aussi de belles personnes.

Kourkov, dans une écriture entre réalisme et satire, dénonce la folie des hommes, la méfiance, l'incompréhension totale et les conséquences dramatiques d'un tel conflit sur la population. Paradoxalement, il reste des hommes simples, ou peut-être naïfs, qui s'émerveillent devant la beauté de nature et les bienfaits qu'apportent les abeilles.

À lire sans modération, si vous aimez les abeilles !

Ce roman fait écho au livre "La saga de Youza" de Baltouchis, qui décrit un paysan lituanien témoin de l'histoire mouvementée de son pays.
Marie-Claire
Appréciation de lecture
Les abeilles grises
Appréciation : 10 / 10
Commentaire #1 du : 05 avril 2022
Très beau roman,coup de coeur
Publié avant le début de la guerre en Ukraine, ,c’est hélas, un livre d’actualité.
La guerre dans le Donbass en toile de fond,pourtant le texte est doux, mélancolique, tranquille, le silence est aussi important que le bruit des obus.
Le temps s’étire pour Sergueïtch,il se souvient du temps d’avant. L’auteur nous décrit avec simplicité,humour aussi, son quotidien avec son ami-ennemi d’enfance.
Puis, dans la deuxième partie, il part au printemps avec ses abeilles qui représentent tout pour lui.Pendant ce voyage, il subit d’absurdes contrôles,il est surveillé, considéré avec méfiance mais c’est l’occasion de nous montrer la beauté des paysages d’Ukraine et de Crimée, de nous faire sentir l’émerveillement de cet homme simple devant la nature.
Kourkov donne la voix aux civils dans une guerre qu’ils ne comprennent.Pour moi, c’est un grand livre car, au-delà de ces personnages, l’auteur nous parle de tous ces gens simples pris dans des conflits qui les dépassent et il le fait avec compassion et respect.

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